Commerce de bouche
Commerce de bouche : pourquoi votre syndic vous met en danger avec des mots qu’il ne comprend pas
Je vais vous dire un truc. La semaine dernière, j’ai reçu un appel d’un copropriétaire furax à Nantes. Il ne pouvait louer son local commercial… Une sombre histoire de « commerce de bouche » et de règlement de copropriété.
Le problème ? Le syndic avait copier-coller dans le règlement de copropriété (RC) : sont interdits des commerces dit « commerce de bouches » (restaurant, brasserie, …) « . Sauf que personne n’a compris que ce terme n’existe pas dans le droit immobilier.
Attention à ne pas confondre « métiers de bouche » qui a une définition syndicale (du patronat) et « Commerce de bouche ». La définition du commerce de bouche n’existe pas d’un point de vue juridique, ni syndicale, ni rien.
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Commerce de bouche : La connerie qui coûte 3 000 € par mois

Votre règlement de copropriété n’est pas impactée par les conventions collectives de l’UMIH – Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Quand vous écrivez « commerces de bouche », vous n’autorisez rien. Le juge vous regardera comme un attardé qui a confondu son Code du travail avec ses statuts de copropriété.
Ce que le juge regarde, c’est ce que vous avez voulu dire. Vous vouliez éviter les nuisances ? L’odeur de graillon le matin ? Les livraisons de bière à 6h du matin ?
J’ai vu un RC à Saint Herblain qui disait : « Les établissements de restauration et assimilés sont interdits ». Le bar qui a ouvert après a perdu son procès en 3 mois. Pourquoi ? Le juge a estimé que le RC était « insuffisamment précis ».
Commerce de bouche : le piège des tapas
Le RC interdisait « les commerces de restauration ». Le bar a ouvert. Les copros ont attaqué. Selon la jurisprudence (notamment Cour de cassation, 13 nov. 2013, pourvoi n°12-26121), l’interdiction de restauration s’applique même aux activités avec simple réchauffage. Un bar à tapas s’est vu refuser son exploitation par un tribunal de commerce de la région parisienne en 2020, au motif que la consommation sur place, même d’aliments non transformés, est assimilée à une activité de bouche.
Ce que votre syndic devrait VRAIMENT écrire
Un syndic qui sait ce qu’il fait, il ne parle pas de « commerce de bouche ». Il écrit :
« Sont interdits les locaux dans lesquels est exercée une activité de préparation, de transformation ou de consommation sur place d’aliments, y compris les boissons accompagnées de mets, générant des nuisances olfactives, sonores ou de dépôt de déchets organiques. »
Et surtout, il ajoute une clause d’assimilation chiffrée :
« Est considéré comme tel tout commerce dédié à plus de 10 % de son chiffre d’affaires à la vente de produits consommés sur place. »
Sans ça, vous êtes à la merci du premier avocat venu qui va faire passer votre kebab pour une épicerie fine.
Le syndrome du copier-coller
98 % des RC qui existent sont des copiés-collés de modèles des années 90. Votre syndic le sait. Il n’a juste pas envie de payer un juriste pour rédiger une annexe personnalisée.
Problème : quand ça part en justice, c’est la copropriété qui paie, pas le syndic. Lui, il a son assurance. Vous, vous avez votre compte en banque.
La solution pour votre commerce de bouche
- Faites auditer votre RC par un juriste immobilier. Pas par votre syndic. Par quelqu’un qui sait lire.
- Vérifiez les taux de charges des commerces existants. Un local vide coûte plus à la copro qu’un kebab bien géré (taxe pro, entretien des parties communes).
- Assimilez intelligemment : si vous avez peur du bruit, réglez les horaires d’ouverture (ex : fermeture portes à 23h), pas le type de commerce.
Un bon syndic, il ne vous dit pas « c’est interdit ». Il vous dit : « Voici les règles du jeu pour que tout le monde y gagne ». Un des miens a fait passer une dérogation contre une rémunération pour un traiteur. Résultat : -2000€/an de charges pour la copro, et des petits fours gratuits à l’AG. C’est ça, la gestion intelligente.
Alors la prochaine fois que votre syndic vous sort « Ah mais c’est un commerce de bouche, c’est pas possible », demandez lui en AG de vous expliquer si un dentiste est un commerce de bouche…
